Une experte en politique climatique pleine d’optimisme
L’ISO est sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs, explique Sheila Leggett.
Sheila Leggett, une experte canadienne des politiques climatiques, prépare le terrain d’une normalisation en faveur de la durabilité. Elle nous livre ses réflexions quant à l’évolution des discussions au cours de sa carrière dans ce domaine, et au rôle que l’ISO est appelée à jouer dans la lutte contre les changements climatiques.
Depuis plusieurs décennies, Mme Leggett est au cœur des politiques et des normes de durabilité. Elle a été témoin de l’évolution d’un débat autrefois fondé sur une observation passive visant à évaluer l’importance de différents impacts environnementaux comme les pluies acides, vers une approche bien plus productive de la durabilité : « Il ne s’agit plus tant de savoir « en quoi c’est important », mais bien de se demander « que pouvons-nous faire ? » », explique-t-elle.
Mme Leggett a rejoint l’ISO au terme d’une carrière dans les domaines de l’énergie et de l’environnement, de l’industrie et du service public. C’est en présidant des « débats particulièrement houleux » lorsqu’elle siégeait à l’Office national canadien de l’énergie au début des années 2010 qu’elle s’est découvert une passion pour les normes, et plus particulièrement pour les normes relatives à l’évaluation des impacts sociétaux et environnementaux. Elle est également Présidente du comité ISO chargé des normes relatives au management environnemental.
Pour Mme Leggett, il est primordial de ne pas négliger ces dernières dans les efforts mis en œuvre en faveur de la durabilité. « Les systèmes de management environnemental ne sont plus seulement axés sur l’environnement, mais aussi sur l’aspect sociétal des choses », souligne-t-elle avant d’évoquer l’évolution des mentalités au sein de l’ISO et plus largement de la société. « Il nous faut avoir une base plus large dans toutes nos réflexions. »
La Déclaration de l’ISO
Dans le cadre de sa présidence de l’ISO/TC 207, le comité ISO chargé du management environnemental, et de ses fonctions au sein du Ministère canadien de l’environnement et du changement climatique, Mme Leggett est au cœur des efforts déployés dans l’urgence pour agir sur les changements climatiques.
Il ne s’agit plus tant de savoir « en quoi c’est important », mais bien de se demander « que pouvons-nous faire ? ».
Il s’agit d’une question à laquelle l’ISO dans son ensemble s’est attaquée. Sa stratégie 2030 s’articule autour d’Objectifs de développement durable des Nations Unies interconnectés. En 2021, l’Organisation a annoncé dans la Déclaration de Londres son intention de contribuer à la lutte contre les changements climatiques au travers des normes.
« La publication de la Déclaration de Londres par l’Organisation a été déterminante pour faire en sorte que le monde sache que l’ISO existe », estime Mme Leggett. « Les différents pays se trouvent dans des situations très diverses en raison des changements climatiques et d’autres facteurs, or, comment pouvons-nous travailler ensemble autrement qu’en nous appuyant sur cette plateforme unificatrice ? »
« Nous devons être capables de travailler main dans la main, de manière collective et holistique, de présenter un discours que les gens sont en mesure de comprendre et auquel ils peuvent s’identifier, et d’affirmer que « si nous appliquons telles et telles mesures, je pense que nous serons sur la bonne voie pour atteindre nos objectifs ». »
Dans ces circonstances, les projecteurs sont braqués sur le comité de Mme Leggett, et plus particulièrement sur son sous-comité chargé de la gestion des gaz à effet de serre, afin de proposer un cadre fiable pour l’action en faveur du climat.
Soutenir la durabilité grâce à des normes accessibles
Selon elle, l’ISO dispose déjà de toutes les normes dont elle a besoin pour étayer le programme climatique. Le véritable défi, précise-t-elle, consiste à déterminer comment les présenter et les promouvoir pour qu’elles soient faciles à utiliser. Mme Leggett est consciente du travail qu’il reste à accomplir dans ce domaine, comme en témoigne la rédaction de normes entièrement nouvelles (« Nous n’avons pas le temps pour cela, c’est contre-productif ! ») et la reformulation de normes ISO pour des entreprises et des secteurs spécifiques.
« En tant que comité, nous disposons de nombreuses normes remarquables, mais un grand nombre de personnes qui pourraient tirer parti de leur utilisation ne savent même pas que nous existons. Il nous faut vraisemblablement réfléchir à la manière dont nous pourrions rendre nos normes plus accessibles en adoptant un langage plus clair et en mettant en avant les avantages découlant du recours aux normes, afin de simplifier la vie de nos utilisateurs. »
Il est primordial de ne pas négliger les normes dans les efforts mis en œuvre en faveur de la durabilité.
Agir en prenant toute la mesure de l’urgence
L’urgence de l’action climatique représente un défi pour tous les gouvernements, les entreprises et les ONG, mais Mme Leggett se félicite de la rapidité et de l’habileté avec lesquelles son comité a pu s’attaquer aux normes sur l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de leurs effets. Elle admet qu’elle a parfois perdu le sommeil de crainte que les travaux de l’ISO ne soient « balayés sous le tapis parce que nous ne sommes pas suffisamment agiles, nous ne sommes pas en mesure d’apporter des réponses assez rapidement et nous ne parvenons pas à suivre l’évolution du monde ». Aujourd’hui, cependant, elle est convaincue que l’ISO va dans la bonne direction et conserve toute sa pertinence dans le cadre des efforts de durabilité.
Mme Leggett rappelle dans quelles circonstances, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l’ISO a été créée afin d’établir un cadre pour le commerce international, et comment elle a continué de jouer un rôle unificateur discret mais d’une importance capitale depuis lors : « Nous devons nous assurer que ce cadre est toujours aussi solide. Vous ne pourrez jamais recréer une organisation telle que l’ISO. Il a fallu toutes ces années pour la construire. Si elle venait à être démolie et reconstruite... nous ne pouvons tout simplement pas laisser une telle chose se produire. »