Plein soleil
Il ne fait aucun doute que notre planète subit actuellement un changement radical, et l’énergie solaire semble avoir un bel avenir devant elle.
La plupart des résultats d’une brève recherche en ligne sur les énergies renouvelables concernent l’énergie éolienne et l’électricité photovoltaïque. Si l’on approfondit un peu la recherche, on obtient généralement des résultats portant sur l’énergie hydroélectrique, l’énergie de la biomasse, l’énergie marémotrice et l’énergie géothermique, presque toujours liées à la production d’électricité. La plupart des gens ignorent que l’électricité ne représente qu’environ 20 % de la demande mondiale d’énergie. Quelque 30 % de cette demande visent à assurer la mobilité, mais c’est la production de chaleur qui constitue de loin la plus grande part de notre consommation d’énergie, la production d’eau chaude, le chauffage et la production de chaleur industrielle représentant plus de 50 % de la demande mondiale d’énergie.
C’est là que la technologie solaire thermique entre en jeu. Cette forme de production d’énergie est si simple et efficace que certains des premiers capteurs solaires étaient d’anciens radiateurs de chauffage central peints en noir. La technologie a considérablement évolué depuis lors tandis que son marché s’est développé, notamment pour le chauffage des locaux et la production d’eau chaude. Comme l’indique l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son dernier rapport intitulé Solar Heat Worldwide 2020, les données mondiales les plus récentes montrent qu’en 2019, les centrales solaires thermiques ont produit 479 gigawatts d’énergie – fournissant le même rendement que 43 millions de tonnes de pétrole et permettant d’éviter les émissions de 38 millions de tonnes de dioxyde de carbone contribuant au réchauffement du climat.
Le chauffage, qu’il soit destiné à des habitations, à des bâtiments à usage commercial ou à l’industrie, représente 50 % de la consommation d’énergie ; selon l’AIE, les énergies renouvelables fournissent actuellement 11 % de la chaleur produite au niveau mondial. Toutefois, cela signifie aussi que le chauffage solaire est tout à fait à même de jouer un rôle déterminant dans la lutte contre le changement climatique.
Un secteur en plein essor
Le marché initial de l’énergie solaire thermique consistait à fournir de l’eau chaude aux ménages au moyen de capteurs plats produits localement. « De nos jours, les capteurs à tubes sous vide ont gagné de larges parts du marché », explique Ken Guthrie, Directeur de Sustainable Energy Transformation Pty Ltd, une société de conseil spécialisée dans l’énergie solaire. Ken Guthrie a exercé deux fois la présidence du Programme SHC de l’AIE, un programme de collaboration sur les technologies de chauffage et de refroidissement solaire. Il a également joué un rôle de premier plan dans l’élaboration des normes ISO relatives au chauffage solaire thermique au sein du comité technique ISO/TC 180, Énergie solaire.
« Il existe aujourd’hui un marché en pleine expansion pour les systèmes de grande taille destinés à fournir de la chaleur pour les procédés industriels et les réseaux de chauffage urbain », précise Ken Guthrie, qui a commencé à travailler sur l’énergie solaire à la fin des années 1970, alors que celle-ci servait presque exclusivement à alimenter des habitations en eau chaude. « Ces deux dernières décennies en particulier, le solaire photovoltaïque pour la production d’électricité a gagné des parts de marché, alors que le solaire pour la production de chaleur a progressé à un rythme plus lent », explique-t-il.
Un rapport intitulé Guide on Standardisation and Quality Assurance for Solar Thermal fait écho aux observations formulées par Ken Guthrie. Publié conjointement par la Fédération européenne de l’industrie solaire thermique, le Programme des Nations Unies pour l’environnement et le Fonds pour l’environnement mondial, il note que, même si la technologie du chauffage thermique solaire est désormais bien maîtrisée, elle a cependant pris du retard par rapport à d’autres formes d’énergie renouvelable. Mais cette situation est en train de changer, et les normes ISO y sont pour beaucoup.
Les normes ISO contribuent grandement à soutenir la confiance des marchés.
De l’énergie pour tous
Que vont apporter les normes ISO à l’énergie solaire ? « Les normes ISO contribuent grandement à soutenir la confiance des marchés en offrant des moyens d’effectuer une évaluation indépendante des performances en matière de chauffage ainsi que de la durabilité et de la fiabilité des produits », explique Ken Guthrie. Le solaire thermique est la technologie la plus efficace au regard de la surface utilisée pour la production de chaleur sans émission de dioxyde de carbone à partir de sources d’énergie renouvelables. Il s’agit par définition d’une source d’énergie durable susceptible de répondre à la demande énergétique mondiale.
« En revanche, l’absence de normes peut se traduire par des produits peu performants », prévient Stefan Abrecht, ingénieur-conseil en conception et développement, dont les travaux portent sur les systèmes solaires thermiques depuis des décennies. Il a également participé à l’élaboration des normes ISO et s’est associé à Solar Heat Europe pour soutenir cet important secteur. Selon lui, « il est donc clair que nous avons besoin de normes pour donner des lignes directrices sur la manière d’évaluer la durabilité et les performances. Les normes peuvent également servir de fondement à la certification et à la reconnaissance de la technologie par des tiers, afin de stabiliser la qualité des produits et de favoriser l’innovation en définissant des règles ».
Une qualité optimale
Fort de son expérience, Stefan Abrecht estime que les normes ISO relatives à la chaleur solaire thermique ont été élaborées afin de favoriser le développement technologique, d’harmoniser les exigences de base pour tous les pays et de permettre, par conséquent, des échanges commerciaux sans obstacles technologiques ou en matière de qualité dans le monde entier.
Le Président de Solar Heat Europe, Costas Travasaros, résume parfaitement le rôle des normes ISO en faveur de l’adoption du chauffage solaire thermique. « Nous nous efforçons d’améliorer l’assurance qualité en Europe et dans d’autres parties du monde, car cela profite aux consommateurs, qui disposent ainsi de meilleures options et se sentent plus en confiance. Cela profite également aux fabricants, qui disposent de lignes directrices claires sur les exigences relatives aux produits définissant l’état de la technique », explique-t-il.
« Il ne faut pas oublier que la confiance des consommateurs et des décideurs est essentielle au maintien d’un marché en croissance et d’une grande stabilité pour les produits solaires thermiques. Il s’agit là d’un défi qui déborde les frontières des pays et pour lequel les normes ISO, en tant qu’instruments nécessaires pour garantir l’assurance qualité, jouent un rôle essentiel au niveau mondial », conclut M. Travasaros.
Une valeur sûre
Et de quelles sortes de normes dispose-t-on ? « Il existe des normes ISO pour la mesure du rayonnement solaire et l’étalonnage des instruments de mesure utilisés à cette fin. Plus pertinentes pour l’industrie sont la mesure de la durabilité et de la performance des composants et matériaux des collecteurs (série ISO 22975) ainsi que l’évaluation de la performance des capteurs (ISO 9806) et des systèmes (série ISO 9459) », rappelle Stefan Abrecht. « Les normes ont été et sont toujours nécessaires pour mettre cette technologie à la disposition de l’ensemble du marché, qui ne peut s’accommoder de produits de mauvaise qualité ou difficiles à manipuler », ajoute-t-il.
Ken Guthrie reprend à son compte ces observations : « Pour les grands marchés d’exportation, les Normes internationales qui portent sur la durabilité et la fiabilité des produits concourent au bon fonctionnement du marché et permettent de procéder plus aisément à un inventaire indépendant des bons produits. De plus, pour les nouveaux marchés disposant de plus grandes surfaces de captage, le fait de pouvoir évaluer la performance attendue avant l’installation et de pouvoir mesurer la performance en exploitation prend une importance accrue dans l’optique de la production de projets « bancables ». »
« Les subventions jouent également un rôle important pour l’élaboration des normes et la fourniture de produits de qualité », explique Andreas Bohren, de l’Institut pour la technologie solaire (SPF) de l’Université des sciences appliquées de Suisse orientale (OST) établie à Rapperswil en Suisse. « Les autorités n’accorderont pas de subventions aux utilisateurs de systèmes solaires thermiques tant que ces derniers n’auront pas été testés et approuvés », précise-t-il. Les subventions elles-mêmes ont joué un rôle essentiel en soutenant les nouveaux marchés des produits liés aux sources d’énergie renouvelables jusqu’à ce que le rythme de production augmente et que les prix baissent.
Andreas Bohren dirige le groupe de travail de l’ISO/TC 180 chargé d’élaborer et d’améliorer ISO 9806 pour ce qui concerne les essais des capteurs solaires et préside également le programme Solar Keymark Network chargé de tester et de certifier les systèmes solaires thermiques. Selon lui, l’application d’ISO 9806 garantit le bon fonctionnement des produits solaires thermiques lors de leur installation sur des bâtiments et pendant de nombreuses années par la suite.
À quoi ressemblera le marché dans 20 ans ? Avec un avenir favorable au solaire et avec le soutien des normes ISO, cette forme d’énergie sera moins coûteuse, plus accessible et plus répandue que jamais. Cela pourrait être aussi une bonne nouvelle pour le climat. Voilà quelque chose de brillant à écrire…