La « décarbonisation » du secteur de la construction est le but de la démarche holistique conciliant les préoccupations climatiques et les besoins énergétiques mis au point par le groupe de travail mixte ISO/TC 163 & ISO/TC 205, Approche holistique de la performance énergétique des bâtiments (PEB). Avec la future série de normes ISO 52000 en cours d’élaboration, en s’appuyant sur les meilleures technologies et les meilleures pratiques disponibles, l’industrie du bâtiment devrait être beaucoup mieux équipée pour optimiser l’efficacité énergétique. Or, les solutions trouvées pour améliorer l’efficacité énergétique débouchent souvent sur une efficacité opérationnelle renforcée et elles stimulent l’innovation.
Pour nous faire une idée plus concrète des enjeux, nous avons demandé aux deux co-animateurs, Dick van Dijk et Essam E. Khalil, du groupe de travail mixte, de nous expliquer le rôle que peut avoir le secteur de la construction pour aider à nous orienter vers un avenir moins pollué par le carbone.*
Les bâtiments sont des gouffres en termes d’énergie. Le coût de l’énergie représente environ 40 % du coût d’exploitation d’un bâtiment. Quel type de défis et quelles opportunités cela représente-t-il ?
Les objectifs de réduction de la consommation d’énergie et de recours accru à des sources d’énergie renouvelables représentent toute une gamme de défis et d’opportunités dans le secteur de la construction. Il faut par exemple répondre aux demandes énergétiques croissantes des économies en plein développement, et faire face aux problèmes de précarité énergétique des pays en développement. Dans ce contexte, ces pays doivent suivre un modèle caractérisé par une faible consommation d’énergie, de faibles émissions de CO2 et une optimisation des ressources.
Plusieurs pays développés se sont fixé des objectifs ambitieux en établissant pour ces prochaines années des politiques de construction rigoureuses pour des bâtiments à consommation d'énergie quasi nulle. En axant leurs efforts sur la transformation du bâti existant et sur les sources d’énergie renouvelables, ces pays visent à terme la création de quartiers éco-énergétiques à consommation zéro.
Pour favoriser l’innovation dans le secteur de la construction, il faut des politiques claires et cohérentes avec des objectifs précis. De même, pour développer de nouveaux concepts et de nouvelles technologies, et pour en surveiller et évaluer l’avancement, il faut des Normes internationales, car il est indispensable de pouvoir s’appuyer sur des termes, des définitions, des procédures d’évaluation et des indicateurs harmonisés.
Quelle est la spécificité de l’approche holistique de la performance énergétique des bâtiments ?
Les exigences de performance énergétique étaient auparavant établies au niveau des composants et étaient exprimées en valeurs minimales admissibles (isolation thermique, efficacité d’un produit, etc.). Cette formule a le défaut de ne pas assurer l’adoption de solutions optimales et d’empêcher l’adaptation nécessaire aux nouveautés technologiques.
L’approche holistique que propose la série ISO 52000 en matière d'évaluation de la performance énergétique globale des bâtiments et de l’environnement bâti est un outil fondamental pour éviter ce défaut.
Je recherche des solutions énergétiques efficaces et économiques. En quoi les futures normes ISO 52000 peuvent-elles m’y aider ?
Avec la série ISO 52000, il est possible d’évaluer la performance énergétique globale d’un bâtiment. Pour atteindre le niveau de performance énergétique prévu, au coût le plus serré, on peut recourir à n’importe quel moyen technologique.
La possibilité de recourir à n’importe quel moyen technologique fait de l’approche holistique un facteur essentiel d’innovation et de changement technologiques. Les pays qui utilisent cette approche depuis des années – les Pays-Bas par exemple – ont réalisé des économies substantielles en termes de mise en œuvre et de coût pour toute une gamme de nouvelles technologies pour diverses applications, entre autres, l’isolation thermique, les vitrages, le chauffage, le refroidissement, l’éclairage, la ventilation, les circuits d’eau chaude domestique, les systèmes d'automatisation et de contrôle des bâtiments ou les sources d’énergie renouvelables.
Qui sont les utilisateurs potentiels des normes ISO 52000 et que doivent-ils savoir ?
L’évaluation énergétique des bâtiments est effectuée pour diverses raisons, par exemple :
- Pour statuer sur la conformité avec les réglementations auxquelles est soumise la construction en termes d’usage énergétique ou de limites quantitatives correspondantes
- Pour améliorer la transparence dans les transactions immobilières à travers la certification énergétique et/ou l’affichage d’un niveau de performance énergétique
- Pour surveiller l’efficacité énergétique du bâtiment et de ses systèmes techniques
- Pour aider à planifier les mesures de rénovation en prévoyant les économies d’énergies réalisables dans différents cas de figure
On entend par approche holistique, l’évaluation de la performance en prenant en compte l’énergie totale utilisée pour le chauffage, le refroidissement, la ventilation, l’eau chaude domestique et, dans certains cas, les appareils.
Quels seront les avantages de la série ISO 52000 pour les autorités de réglementation/les pouvoirs publics ?
L’une des principales finalités des normes PEB est leur utilisation dans le cadre juridique et réglementaire et, dans certains cas, leur application obligatoire. C’est dans cette optique qu’a été établi un ensemble de procédures systématiques, claires, complètes et sans ambiguïté relatives à la performance énergétique.
Les différences nationales et régionales en termes de climat, culture et tradition architecturale, ainsi que les différents cadres réglementaires et législatifs y sont pris en compte. Diverses options sont proposées pour les procédures, les données et les conditions-cadres. Pour chaque option, un modèle clair est fourni pour effectuer sur mesure l’évaluation de la performance énergétique. Une liste de choix (« par défaut ») est également proposée.
Enfin, la structure modulaire établie par les normes PEB maximise les possibilités d’une implémentation pas à pas au niveau régional et national. Certaines différences dans les politiques de priorité et les contraintes pratiques peuvent devoir être gérées au cas par cas. Il faudra donc, du moins pendant une période transitoire, tenir compte de pratiques et de procédures bien établies.
La série ISO 52000 est en cours d’élaboration en étroite collaboration avec le Comité européen de normalisation (CEN) et d'autres organismes de normalisation (par ex. ASHRAE). En Europe, les normes PEB sont élaborées pour appuyer la mise en œuvre nationale de la Directive sur la Performance énergétique des bâtiments (DPEB).
Quelle est la prochaine étape pour le Groupe de travail que vous co-animez ? Quelles autres normes devront être développées pour réduire encore la consommation d’énergie ?
La norme maîtresse, en cours d’élaboration, est la clé de voûte de la série ISO 52000. L'une des prochaines étapes sera de préparer des normes qui feront le lien entre l‘information produit et la performance énergétique réelle des systèmes faisant partie intégrante du bâtiment. C’est l’élément qui manque actuellement à notre approche holistique et systématique. Heureusement, les nouvelles normes européennes PEB en préparation devraient apporter un concours précieux aussi dans ce domaine.
* Dick van Dijk et Essam E. Khalil sont les co-animateurs de groupe de travail mixte des comités techniques de l’ISO ISO/TC 205, Conception de l'environnement intérieur des bâtiments (dont le secrétariat est assuré par ANSI, membre de l’ISO pour les États-Unis), et l’ISO/TC 163, Performance thermique et utilisation de l'énergie en environnement bâti (dont le secrétariat est tenu by SIS, membre de l’ISO pour la Suède).